Nicolas Chéron, Stratégiste de marchés
EURCHF : Une précision digne d’un horloger
Depuis le début de la crise financière que nous vivons depuis maintenant trois ans, la paire EURCHF n’a fait que se déprécier. D’un côté nous avons une monnaie faible qu’est l’Euro, entachée par la crise de la dette, les dégradations et les risques d’une implosion de la zone, d’un autre nous avons le Franc Suisse, monnaie refuge par excellence. De ce fait, la paire est passée de plus de 1.6 CHF à la parité.
A quoi bon se battre contre la tendance me direz-vous. Tout simplement parce qu’un facteur est venu changer la donne à la fin de l’été 2011, une nouvelle vague d’interventionnisme de la Banque Nationale Suisse (BNS). En effet, le 6 septembre dernier, la BNS a décidé de fixer un seuil plancher sur cette paire à 1.2 CHF. Pour ceux qui ne seraient pas au fait de ce que fixer un plancher peut avoir comme implication sur une paire, je vous invite à regarder ce qui s’est passé sur l’EURCHF entre mars et décembre 2009 quand la BNS avait décidé de protéger le seuil des 1.5 CHF.
Pendant 9 mois, à chaque fois que les cours ont frôlé les 1.5, la BNS est intervenue pour faire remonter les cours. Par la suite, quand le marché a eu raison de ce niveau de prix, elle était de nouveau intervenue à proximité des 1.4 CHF entrainant une réaction haussière de 600 pips. (Voir graphique ci-dessous).
En d’autres termes, et étant donné les pressions baissières sur la paire EURCHF, je pense que les prix pourraient rapidement se diriger et approcher le seuil des 1.2 CHF. Alors, parce que la BNS a déclaré vouloir défendre ce niveau de prix par tous les moyens avec des ressources illimitées, je pense que la banque centrale devrait de nouveau intervenir sur les marchés pour entraîner une appréciation de la paire.
Deux questions me sont souvent posées au sujet de la paire EURCHF, voici mes réponses :
- Pensez-vous que la BNS arrivera à protéger le seuil des 1.2 et pendant combien de temps ?
Concernant la notion de temps, il est vrai que la BNS n’arrivera pas forcément à défendre éternellement les 1.2 si les pressions baissières sur cette paire se font de plus en plus fortes, comme cela avait été le cas à 1.5 CHF.
Toutefois, la mise en place de ce seuil ne date que de 5 mois et je pense que la BNS a la capacité d’intervenir plusieurs fois sur cette zone de prix.
Autre élément à prendre en compte, notons que la BNS pourrait relever ce seuil à 1.25 ou 1.3 comme certains l’anticipent. Les banques centrales ont même suggéré 1.4 mais il ne faut pas non plus rêver.
- Comment mettre à profit une potentielle intervention de la BNS dans les jours à venir et quels objectifs escompter ?
Premièrement, je pense qu’il faudra déjà être à l’achat au moment où la BNS interviendra et qu’entreprendre une stratégie avec des ordres conditionnels à seuil de déclenchement au-dessus des cours actuels n’est pas la meilleure solution.
D’une part, à cause du slippage éventuel que cela peut occasionner (différence entre prix exécuté et prix demandé), d’autre part, parce que certains ne pourront alors pas entrer sur le marché car leur broker leur dira que le prix demandé n’est pas disponible (pour cause de trop fort décalage des prix).
Je pense donc qu’une position acheteuse pourrait être constituée en deux temps. D’une part par des achats progressifs à 1.207, 1.204 et 1.201 afin d’obtenir un prix de revient de 1.204 sur cette « première ligne ». Et d’autre part, par un renfort agressif à proximité des 1.2 CHF.
En effet, la BNS intervient entre 5 et 15 pips au-dessus des seuils qu’elle défend (ici je pars évidemment d’une répétition de ce qui s’est passé les fois précédentes ainsi que de la fameuse précision horlogère suisse).
Pour ce qui des objectifs, notons 2 zones. Au-dessus des 1.213 récemment travaillés et cassés, nous avons les 1.22 conjugués à la EMA42 en données journalières et les 1.225 en extension, testés à plusieurs reprises entre fin novembre et fin décembre.
Au-dessus, on retrouverait les 1.238/1.24 voire les 1.245 en extension soit la zone haute de ces derniers mois. A vous de voir si vous allégez une partie de votre position sur la première zone ou bien si vous décidez d’accompagner l’hypothétique hausse avec des stops suiveurs, ce choix vous incombe (comme les autres d’ailleurs).
Enfin, concernant un point crucial, le/les stop(s), il y a deux écoles. Option 1, partir du principe qu’étant donné la précision avec laquelle la BNS a défendu les précédents seuils, les 1.2 ne devraient pas être franchis, auquel cas, le stop pourrait être placé à 1.198/9 sans soucis. Option 2, se laisser une marge et mettre de fameux stop vers 1.194 soit une perte maximum de 100 pips sur la « première ligne ».
Sachant que nous visons entre 200 et 400 pips sur ce trade, même un stop de 100 pips procure un ratio risque/gain entre 1 :2 et 1 :4 ce qui est plutôt correct sachant que la probabilité de réussite de ce trade est beaucoup élevée qu’un trade « classique », les acheteurs étant ici protégés par un acteur de taille, une banque centrale.
Ilya Spivak, Stratégiste de devises
Vente de l'EURUSD : La tendance à la baisse de l'Euro sur plusieurs années continue
D’une manière générale et objectivement parlant, l'euro s’est inscrit dans une tendance à la baisse depuis juillet 2008 après avoir atteint un sommet au dessus de 1.60 contre le Dollar US. Et cela va certainement perdurer.
La crise de la dette de la zone euro demeure non résolue, ce qui représente un problème à deux faces. D'un coté, cela amplifie les turbulences déjà considérables auxquelles la croissance économique est confrontée.
Des coûts d'emprunt exorbitants dans un contexte de craintes d'une faillite au sein du bloc monétaire paralysent l'activité alors que les individus et les entreprises trouvent qu'il est plus cher de dépenser et d'investir.
Ainsi, une croissance plus lente réduit les rentrées d'impôts des gouvernements de la région, rendant plus difficile la réduction des déficits, attisant les peurs déjà considérables sur la capacité à rembourser la dette souveraine et produisant irrémédiablement un cercle vicieux. Les prévisions consensuelles des économistes suggèrent que la croissance de la zone euro va stagner en 2012 et ne reprendra que lentement l'année prochaine.
Cela obligera la BCE à prendre des mesures de relance monétaire agressives, ce qui suppose que les différentiels de taux d'intérêt vont s’amenuiser en faveur du Dollar US, même si la Réserve Fédérale tient sa promesse de laisser les coûts d'emprunt de référence inchangés jusqu'à mi-2013.
D'un autre coté, ceci risque de déclencher à nouveau une vente massive sur l'ensemble du marché et une crise mondiale du crédit, plongeant la finance du monde entier dans une nouvelle crise existentielle seulement trois ans après la débâcle de 2008. Si un grand pays comme l'Italie ou l'Espagne faisait faillite, de nombreuses banques, fonds et d'autres institutions seraient obligés d'enregistrer de lourdes pertes.
Certains ne pourraient pas supporter de telles pertes et seraient obligés de fermer, ce qui aurait des répercussions sur les marchés du fait que leurs créditeurs auraient à faire face à des pertes considérables, et ainsi de suite.
Ceux qui tiendront le choc se presseront alors de rechercher de nouveaux capitaux, avec les banques et les fonds qui essayeront de vendre des actifs à des prix de liquidation pour satisfaire les exigences de réserves et de marges.
Ceci aura pour conséquence une nouvelle débâcle généralisée sur toutes les classes d'actifs, ce qui appauvrirait de nombreuses entreprises et particuliers.
Il va sans dire qu'une telle situation détruirait l'activité économique du secteur privé à l'échelle mondiale. Et il est inutile de préciser que cette situation aurait un effet positif sur les devises refuges et en particulier le Dollar US, pour lequel les interventions officielles ne mettent en aucun cas en cause ses qualités de valeur refuge (comme c'est le cas pour le Yen japonais et le Franc suisse, qui sont d'habitude les autres valeurs refuge dans l'espace FX).
Michael Boutros, Analyste Devises
Vente d'AUDUSD : Risque pour la croissance mondiale, Chine
Nous avons tous assisté à l’extrême volatilité des marchés et aux chocs consécutifs que la crise européenne a provoqués l'année dernière. Cela s'explique surtout par les craintes de contagion de la dette qui se sont rapidement propagées, non seulement à l'Europe, mais aussi aux économies les plus développées du monde.
Vu l'ampleur de la crise de l'UE, ce n'est pas étonnant qu'un nuage menaçant soit passé relativement inaperçu au radar : la Chine. Alors que le gouvernement chinois connaît des difficultés à opérer un « atterrissage en douceur » après les mesures extraordinaires prises durant le pic de la crise financière, l'économie de l’Empire du Milieu continue de montrer des signes de stress tandis que la croissance des économies les plus performantes du monde commence à ralentir.
L’excédent commercial chinois se réduit tandis qu'une bulle immobilière semble être prête à exploser, au moment où les craintes actuelles de resserrement du crédit alimentent les inquiétudes concernant un fort ralentissement de la croissance
. En tant que partenaire principal de l'Australie, un ralentissement en Chine est susceptible de mettre l'aussie-dollar sous pression car la baisse des exportations australiennes pèse sur l'économie locale.
Outre l’épisode chinois, la Banque Centrale australienne est également susceptible de réduire brutalement les taux en 2012 avec des swaps de Crédit Suisse, affichant maintenant plus de 116 points de base de réductions de taux d'intérêt pour les douze prochains mois, la plus forte prévision de baisse de taux des économies développées.
En dépit de deux réductions des taux vers la fin 2011, les inquiétudes croissantes concernant la crise de la dette en Europe et les prévisions d’affaiblissement du commerce mondial continueront à mettre le Gouverneur de la RBA, Glenn Stevens sous pression concernant l’assouplissement de la politique monétaire et le maintien d’un environnement propice aux entreprises.